Retour sur la sortie de découverte du 15 septembre 2023 à l’Unité Expérimentale Arboricole de INRAE Bordeaux-Nouvelle Aquitaine, Domaine des Jarres, Île de Gruère, à 33210 Toulenne, ainsi que sur l’exposé passionnant de Marie-Laure GREIL, Directrice de l’UEA que nous remercions vivement de l’accueil chaleureux de notre groupe.
CV de Marie-Laure GREIL, Directrice de l’Unité Expérimentale Arboricole
- Née en juin 1969 à Versailles
- 1987 : Bac Scientifique
- 1988-1990 : Classes préparatoires au Lycée Hoche à Versailles
- 1991-1994 : Ingénieur Agronome INA – PG
- 1995 : diplôme National d’œnologie DNO ENSA-Montpellier. Spécialité en viticulture-œnologie.
- Stage de statistiques au laboratoire d’œnologie de Moët et Chandon.
- Orientation choisie : la Viticulture-œnologie.
- Premières expériences professionnelles dans le Var, puis dans le Vignoble Bordelais. Gestion de domaines viticoles et conseils aux producteurs.
- 1er mai 1999 : recrutement sur concours en qualité d’ingénieure de recherche, comme directrice de l’UE Arboriculture de l’INRA (devenu INRAE) de Toulenne-Bourran
- Dirige l’UE Arboriculture depuis 24 ans. 28 agents
- A assuré de profondes mutations de l’UE, guidée à la fois par l’extraordinaire évolution de la biologie moléculaire et l’arrivée du numérique dans les champs pour, conformément à la volonté de l’Institut, sortir les unités expérimentales du statut de simple ferme en les valorisant en tant qu’acteur à part entière des innovations.
- Mariée et mère de deux enfants
- Aime les voyages, la cuisine, la lecture ; a l’amour du pays d’origine de son père : l’Italie.
Compétences et objectifs de l’Unité Expérimentale Arboricole
Les informations ci-dessous sont tirées du site de l’Unité Expérimentale Arboricole de INRAE Bordeaux-Nouvelle Aquitaine que nous vous invitons à explorer !
L’unité est constituée de deux domaines expérimentaux d’égale importance, aux caractéristiques pédoclimatiques et environnementales très complémentaires et qui permettent l’accueil adapté d’expérimentations aux exigences contrastées. Les terres et bâtiments sont propriété d’INRAE ou bien du Ministère de l’Agriculture et mis à disposition d’INRAE. Le site de l’INRAE donne les indications suivantes dont nous retenons principalement que la totalité du Domaine des Jarres est inondable et présente une bonne homogénéité du sol très fertile et non sensible à l’asphyxie racinaire et à la sécheresse. Il est aussi très peu exposé aux risques de gelées.
Les sites de Toulenne et Bourran sont certes dans la même région géographique et assez proches l’un de l’autre ; pour autant ils offrent des conditions pédoclimatiques très différentes, ce qui va permettre d’adapter au mieux le choix des parcelles lors des implantations d’expérimentations.
Si le site de Toulenne très fertile, homogène et proche du Centre est réservé aux expérimentations nécessitant une venue fréquente des équipes de recherche, au matériel délicat à faire pousser et nécessitant des sols riches ou encore à des expérimentations où l’on cherche à réduire au maximum le stress lié à l’environnement , le site de Bourran, est lui très bien adapté aux expérimentations sur les systèmes de culture innovants qui doivent se conduire dans des conditions pédoclimatiques représentatives du terroir arboricole régionale (est et nord-est de l’Aquitaine essentiellement) ; il est également bien adapté à la conservation.
Par ailleurs, l’unité dispose de 2 tunnels insect-proof (450 m²), de deux armoires climatiques, de deux laboratoires de phénotypage ainsi que d’un laboratoire de virologie (test ELISA).
Pépinières
L’UEA produit et élève les jeunes plants fruitiers sur des pépinières en pleine terre d’environ 0.8 ha et en pot sous tunnel insect proof pour les programmes des équipes de recherche, dans le cadre de l’innovation variétale ou de reprise des accessions du CRB. Le savoir-faire de l’Unité englobe l’élevage de porte greffe et d’hybrides, le greffage à œil dormant ou à œil poussant, l’entretien et la conduite des jeunes scions.
Évaluation du Matériel Végétal et Innovation Variétale
L’Unité Expérimentale Arboricole vient en appui à de nombreux programmes de recherche conduits sur arbres fruitiers et forestiers, concernant l’adaptation des arbres aux changements climatiques ou la résistance aux bio-agresseurs. Les principaux partenaires de l’Unité pour ce pôle, sont institutionnels, il s’agit d’Unités du Centre Nouvelle–Aquitaine Bordeaux comme BFP (Biologie du Fruit et Pathologie) et BioGéCo (Biodiversité, Gènes et Communautés) ou d’Unité du Centre PACA, en particulier de l’UR GAFL (Unité de Recherche de Génétique et d’Amélioration des Fruits et Légumes). Les espèces plus particulièrement étudiées sont le cerisier, le pêcher, le chêne et le hêtre.
Concernant le cerisier, le programme de recherche se poursuit par un programme d’Innovation Variétale. L’unité est en charge de la sélection des hybrides et est impliquée dans la relation avec la filière pour définir les besoins et objectifs de la création variétale et sélectionner les futures obtentions.
Dans ce cadre, l’Unité met en œuvre différentes compétences allant de la production de plants à la conduite de vergers, de tests de provenance (Common Garden) ou de parcelles forestières expérimentales et à la description du matériel végétal. Éventuellement des développements méthodologiques autour des questions de caractérisation phénotypique peuvent être mis en œuvre si nécessaire pour par exemple augmenter le débit des mesures.
Systèmes de Culture Innovants
La culture des arbres fruitiers doit s’adapter aux fortes modifications des conditions de production :
- Les modifications sociétales entraînent à la fois des changements dans les attentes du citoyen et ses habitudes de consommation ainsi que des évolutions législatives. Ceci conduit notamment à une réduction forte des spécialités phytopharmaceutiques à la disposition des producteurs,
- Les évolutions attendues du climat vont soumettre les arbres à des hivers a priori plus chauds et plus pluvieux et des étés plus chauds et plus secs, avec semble-t-il des contrastes plus forts et des conditions extrêmes plus fréquentes,
- Déjà régulièrement affectées, les disponibilités en eau pour les cultures seront réduites et les sécheresses devraient devenir récurrentes,
- Une mondialisation des marchés.
Dans ce contexte fortement évolutif, les pratiques actuelles de production doivent évoluer vers des pratiques nécessitant :
- moins d’intrants (pesticides, engrais et fumures, eau),
- moins de temps de main d’œuvre,
- limitant les impacts sur l’environnement en particulier limitant les émissions de gaz à effet de serre,
- tout en conservant une production de qualité, à rendement élevé et économiquement satisfaisante.
Source
Quelques notes des participants
Nous étions 29 participants, adhérents et sympathisants de l’association Cultures & Société, à cette découverte de l’Unité Expérimentale Arboricole.
Les conditions des locaux et de la visite des vergers du Domaine des Jarres n’ont pas permis d’enregistrer Marie-Laure Greil. C’est pourquoi nous avons décidé de noter ce qui nous a marqués tout au long de l’exposé de 2 heures.
Le site de Toulenne se trouve en bord de la Garonne sur une parcelle (Île de Gruère), inondable en totalité. La bonne homogénéité du sol et sa grande fertilité en font un endroit propice à des expérimentations intéressantes. Un « carottage » a confirmé la présence d’un sol très homogène et fertile sur 12 mètres de profondeur.
Le premier verger que nous avons visité est équipé d’un dispositif de suivi photographique. Une photo quotidienne permet d’observer l’évolution de la floraison, de la croissance des fruits et bien d’autres éléments. Grâce aux enregistrements dans une base de données, partagée avec d’autres équipes scientifiques, des conclusions peuvent en être tirées après plusieurs cycles de floraison dans un contexte d’évolution du climat et des températures.
Un verger multi-espèce et pluri-variétale est répliqué à l’identique sur 6 différents sites en France. L’observation et les enregistrements dans une base de données des différences d’un site à l’autre selon le climat de chaque site, les propriétés du sol, permettent d’étudier sur le long terme l’impact du changement climatique sur les cycles végétatifs.
Marie-Laure Greil nous a expliqué le besoin crucial de périodes de froid et de périodes de chaleurs et d’ensoleillement pour permettre aux fruitiers de produire des fruits. Avec le changement climatique, les hivers sont de plus en plus doux dans des laps de temps de plus en plus rapprochés. Les journées de gel tardives sont de plus en plus récurrentes. Ceci a des impacts sur le cycle de floraison.
Nous vous invitons à lire l’article ci-dessous pour comprendre le débourrage (ou débourrement) dont Marie-Laure Greil nous a également parlé.
Autres ressources intéressantes à explorer :
- Changement climatique : des adaptations au cas par cas pour l’arboriculture
- Thèse de Fatima ADRA : Etude des effets d’une élévation de température sur la croissance et le développement du pêcher. Conséquences sur la qualité des fruits (Juillet 2017)
Les principales productions arboricoles françaises
M.-L. Greil nous a parlé des principales productions arboricoles françaises. N’ayant pas noté les surfaces cultivées, nous vous invitons à consulter le site ci-dessous.
Une haie pour accueillir les « auxiliaires »
A proximité de ce premier verger de pommiers et de cerisiers, il y a une haie avec de nombreuses espèces d’arbustes. Cette haie a pour objectif d’attirer les « auxiliaires », les insectes pollinisateurs et ceux qui participent à la lutte contre les nuisibles. L’Unité Expérimentale Arboricole a pour objectif de trouver des leviers pour y parvenir. Malheureusement, la mondialisation du commerce est à l’origine de nombreuses importations de nuisibles. L’utilisation d’insecticides est fortement réglementée et n’est pas une solution en soi en raison de leurs nombreuses effets secondaires sur la biodiversité et l’homme.
La mouche Suzukii venue d’Asie
Suzukii (drosophila suzukii) , la mouche ravageuse venue d’Asie, fait beaucoup de dégâts et représente une vraie menace pour les fruits qu’elle cible : cerises, abricots, pêches, nectarines, mais également les fraises, framboises, myrtilles,… Cette petite mouche de 3,5 mm aime les fruits mûrs à point et y pond ses œufs. Les larves s’y développent et se nourrissent de la pulpe du fruit. Seul un insecticide très puissant et toxique (diméthoate) tue l’insecte et ses larves, mais voilà, ce produit est également très toxique pour l’homme !
Différents essais de piégeage des nuisibles sont expérimentés sur le Domaine des Jarres, avec des résultats peu concluants.
Le papillon qui ravage les noyers
De même, les noyers sont attaqués par les larves d’un petit papillon de nuit, le Cydia Pomonella, un assez joli lépidoptère. Le petit vers qui nuit aux noix s’appelle Carpocapse. Il attaque les pommes et les poires et désormais aussi les noix. Si vous ouvrez une noix dont le fruit est tout noir à l’intérieur, c’est qu’elle a été victime d’un carpocapse.
Les besoins en eau, un point crucial pour l’arboriculture
Le manque de précipitation lors des périodes clés pour la culture représente lui aussi une menace pour la production fruitière.
Pour notre région, la Garonne a une grande importance. Toutefois, la Métropole de Toulouse pompe en amont dans la Garonne pour s’alimenter en eau potable. Au total, 12 communes de la Métropole dont celle de Toulouse, en bénéficient.
Puis, la Centrale nucléaire de Golfech est un autre grand utilisateur de l’eau de la Garonne en amont de la région bordelaise. En raison du changement climatique et des périodes récurrentes de sécheresse, EDF a abandonné les barrages et se limite à des micro-barrages. L’avenir de l’arboriculture dépend donc de la bonne gestion de l’eau, aussi dans notre région, car les fruitiers ont besoin d’eau pour donner de bons fruits. Bien que d’autres régions soient nettement plus touchées que la nôtre par des périodes où le stress hydrique impacte très négativement les arbres, le changement climatique amènera aussi notre région à vivre des temps compliqués.
Les pépinières du Domaine des Jarres
La production des futurs arbres est réalisée sur place en pépinière au moyen du greffage et par un choix judicieux du porte greffe (la nature du sol, la vigueur souhaitée de l’arbre, sa résistance au changement climatique, …)